Liriez-vous le Kamasutra dans le métro ? Non, vous le recouvririez d’un kraft, comme vous l’avez fait pour Fifty Shades of Grey. Rien à faire, quand vous pensez Kama Sutra, vous visualisez immédiatement un manuel dressant la liste exhaustive de toutes les positions sexuelles. Et à voir le nombre de bouquins qui lui sont dédiés – Le Kamasutra lesbien (éd. La Musardine), L’anti Kamasutra, (éd. Fluide Glamour), Le Kamasutra de ClaraMorgane (yep) – difficile d’imaginer qu’il s’agit d’autre chose. Erreur pourtant, le Kamasutra est un traité hindou de savoir-vivre amoureux – attribué à Vatsyayana et écrit entre les (VIe) et (VIIe) siècles – dont le sujet n’est pas uniquement le sexe mais tout ce qui relève de la vie privée. Bien plus progressiste et féministe qu’il n’en a l’air.
#1 Parce qu’il envoie valser le patriarcat
Quoi ? Un manuel qui explique comment trouver un mari et le garder serait féministe ? À certains égards, oui. En fait, le livre culte n’est rien de plus qu’une analyse des interactions entre hommes et femmes, qu’ils vivent dans le pêché ou non. Ce qu’on ne dit pas assez, c’est qu’en plus d’apprendre comment garder un mari, le Kamasutra apprend aussi comment le tromper (et sans se faire gauler). Preuve qu’à une époque plus Manif pour Tous que Femme Libérée, l’ouvrage ne cédait pas à l’archétype de la bonne épouse, la bonne mère et la bonne cruche (c’est même elle qui est censée tenir les finances dans le couple). L’auteur encourage les jeunes filles à étudier le livre dans leur prime jeunesse – quand on pense qu’en 2018, on n’a toujours pas de représentation du clitoris dans tous les manuels scolaires – et de passer le savoir à celles qui ne savent pas lire.
#2 Parce qu’il prône la liberté sexuelle
Quand on sait quelle place occupe le plaisir féminin en Inde aujourd’hui (autant dire aucune), difficile de croire que le Kamasutra puisse défendre une totale liberté sexuelle pour les femmes. Mais Vatsynya refusait l’idée d’un acte sexuel qui aurait pour but unique la procréation. Pour lui, l’une des choses qui nous différencient des animaux, est justement le fait d’entretenir des relations sexuelles en dehors des périodes de fécondité. Juste pour le plaisir, donc. Mieux, les femmes qui ne trouveraient pas leur partenaire à la hauteur sont encouragées à le quitter. Quant aux veuves, qu’elles aillent se remarier. Pas pour éviter de finir vieilles filles, mais pour combler leurs désirs sexuels, aussi naturels que ceux des hommes. Ces derniers sont, eux, invités à faire passer les besoins de leur femme avant tout. La description de ce qui constitue le climax du plaisir féminin est d’ailleurs très explicite : Quand ses yeux roulent.
#3 Parce qu’il est dans l’air du temps
Pour remettre les choses dans leur contexte, à l’époque où le Kamasutra est écrit, en Europe, on parle encore de puanteur de la luxure. C’est dire si le climat était peu progressiste. Au milieu de ces puritains à tendance homophobe, le Kamasutra se montre très libéral. L’homosexualité féminine et masculine y sont décrites comme un aspect naturel de la vie sexuelle (coucou Ludovine de la Rochère) et pour toutes les autres pratiques dites déviantes (et interdites par le code pénal indien), c’est également open bar. Et si le Kamasutra n’a jamais eu de velléités féministes, le nombre d’ouvrages qui lui sont consacrés témoigne qu’il est plus que jamais d’actualité. À l’heure où les violences sexuelles peinent à être vraiment prises au sérieux, une petite relecture du Kamasutra ne ferait pas de mal à ceux qui bafouillent avec le consentement et parlent encore de pulsions sexuelles incontrôlables.